par liligrabuge » Mar Fév 25, 2014 10:47 pm
Bonjour, je suis la productrice d'En sortant de l'école. Je vois que cette collecte Kiss Kiss Bank Bank soulève quelques questions et je vais essayer de répondre à quelques-unes que je trouve légitimes.
Tout d'abord, je vous explique brièvement le contexte dans lequel est né ce projet, ça éclairera certainement quelques points qui expliquent pourquoi il y a eu ces 2% (effectivement) de dépassement sur le budget de la saison 1 et pourquoi je vais les "chercher" ainsi.
J'ai monté ma boîte il y a un an et quelques pour produire ces 13 films. Avant, je faisais plutôt de la direction d'écriture et j'ai écrit un seul truc en tant que scénariste : Les grandes grandes vacances, que les Armateurs produisent en ce moment. Avant, j'étais journaliste dans la presse pour enfant.
J'ai eu la chance de rencontrer la petite fille de Prévert et c'est de là qu'est née l'idée de confier des poèmes de Prévert à des réals pour voir ce qui sortiraient de leur imagination. Assez vite, quand j'en ai parlé à Pierre Siracusa de FTV, il a aimé l'idée de mettre la poésie à l'honneur tout en dressant un pont entre les écoles et la télé dan un système qui valoriserait les réalisateurs.
On adorait les films de fin d'année, on a décidé de monter le projet comme ça : 13 courts, 13 poèmes, 13 réals sortant d'école, payés au tarif réal, qui font leur film avec des coups de mains, une supervision technique et artistique, des renforts mais quasi seuls (mais dans des studios), avec leur univers graphique bien à eux et la ou les techniques de leur choix. Leur première grosse exparience professionnelle à taille réelle avec des contraintes énormes et des délais serrés.
Tout ça s'est décidé et monté en quelques mois. En janvier 2013, je savais que je devais livrer 13 films pour mars 2014, à l'occasion du le Printemps des poètes, fabriqués par des gens qui ne seraient disponibles qu'en juillet 2013... En gros, je suis allée dans les écoles du RECA en février, les dossiers de ceux que ça intéressaient sont arrivés en avril, on a fait une présélection de 30 dossiers puis une sélection de 15 réals après rencontre (il y a deux duos, donc 15 réals) en mai, annonce des choisis en juin à Annecy, puis le mois d'août à Fontevraud pour les scénars, les boards et les animatiques et la prod a commencé en octobre pour une livraison en mars, c'est-à-dire demain.
Je débarquais dans la pord et même si j'étais extrêmement bien entourée, avec un projet qui déclenchait beaucoup de bienveillance, il n'a pas été facile de réunir tous les financements en si peu de temps. On a dû commencer sans avoir financé entièrement le projet, avec une boîte naissante sans un sou de tréso. J'ai donc tout emprunté (je ne pleure pas, c'est comme ça que ça marche la plupart du temps). ça c'est le contexte. Mais oui, il y a de gros partenaires publics, mais ça ne fait pas TOUT un budget.
Maintenant, je réponds un peu au fil de la plume à ce que j'ai glané dans vos échanges.
J'entends bien que vous trouvez que les étudiants passent bcp de temps à répondre à des concours d'animation mais je trouve que ce que je propose est un peu différent... Et j'ai très bien entendu les remarques des profs, des directeurs et on est en train de réfléchir à la manière de proposer ce projet pour que les étudiants n'aient pas à bosser sur le dossier en même temps que leur film de fin d'étude...
Les facteurs de dépassement, maintenant.
Ni accident, ni paresse, ni mauvaise compta, ni gourmandise...
Pb de financement, oui parce que comme je l'ai expliqué plus haut, j’ai monté cette prod sans le sou, en empruntant tout, sans avoir de trésorerie et je n’ai pas réussi à réunir tout le financement dans les 6 mois. Ce qui fait des "manques à gagner" qui peuvent empêcher de dormir la nuit.
Les jeunes réals ne sont pas en cause, ils ont magnifiquement travaillé d’un bout à l’autre et s’il y a eu des projets bien plus gourmands que d’autres, on a réussi à les boucler. Tout le côté expérimental de ce projet était de monter un budget, des plannings, avant de savoir sur quels projets on partirait (on ignorait quelles techniques seraient choisies, par exemple, il a fallu faire à la louche et j'avoue qu'à l'arrivée, le budget était remarquablement intuitif...) mais le système fonctionnait sur une répartition mécanique d’aides et de renforts… Par exemple, on avait dit que chaque film avait une semaine d’anime et deux de compo par exemple, je ne vais pas tout détailler mais il se trouve que certains films ont « consommé » plus que ce que le budget leur avait alloué. Bien entendu, on a rallongé, les studio prestataires ont travaillé en plus et ça a un coût qui n’était pas prévu dans le budget de base qui a été très très bien tenu. ça s'appelle des dépassements, quoi.
Parallèlement, j’ai découvert que j’étais obligée d’avoir 50% de financements publics et 50% de financements privés. Le projet s’est monté tellement vite que je n’ai pas eu vraiment le temps de réunir tout l’argent privé que Tant Mieux Prod a donc investi. Ce qui veut dire qu’il n’y a aucune possibilité de gourmandise ici : pas de salaire producteur, des frais généraux réduits au minimum rendu possible par le quasi prêt de bureau par Bayard, le fait de bosser avec mon ordi perso, que des trucs normaux selon moi pour une boîte naissante. Tout est allé aux réals, plus du tiers du budget a été dépensé en salaires et charges sociales, ou à payer les prestataires, ce qui est normal aussi.
Arrivés à la fin de la prod, il manque un peu plus que 18 000 et c’est pour ça que je suis venue chercher cet argent auprès de gens qui croient en ce projet et on envie de l’aider. Le financement participatif a ceci de génial qu'on n'oblige personne à donner quelque chose. Le principe c'est tu aimes, tu finances et ça ne marche qu'en complément d'apport, avec des gens de nos familles, nos amis et des gens généreux qui ont envie de participer. Je me suis tournée vers ce système parce que je donne régulièrement pour des projets qui naissent grâce à lui. Et même si je suis d'accord pour dire que le développement fulgurant du crowdfunding traduit un certain effondrement de la capacité de nos banques à aider des projets à taille humaine, j'aime bien être du côté des humains qui participent à ce mouvement... Et je ne mets le couteau sous la gorge à personne, que je sache.
Avec cet argent, si ça marche, si on le réunit, j'en reverse 8% au site qui accueille la démarche, j'en dépense presque 1500 pour les contreparties - bien sûr, il y a les bisous qui sont gratos mais tout le reste, il faut le fabriquer, l'envoyer, ça coute des sous. Donc quand on va chercher 18 000, on est peut-être assuré d'en récupérer 15...
Ensuite, je rembourse quelques dépassements liés à de la technique, à des déplacements (tout était multiplié par 15, chaque déplacement à Valence-Lyon ou Annecy-Lyon depuis les studios correspondait à 15 allers-retours, cette collection ne peut se situer dans une économie de série puisqu’il y a 15 réals.)
Il ne s’agit pas un instant de voir les procrastinateurs financés par une rallonge de crowdfunding, vous êtes loin de l’esprit de solidarité qu’il y a dans ce groupe de 15 réals. Ils sont tellement motivés que certains ont proposé de fabriquer eux-même des contreparties en papier découpé...
Il n’y a pas eu de procrastinateur en diable, comment aurait-on pu, à n’importe quel niveau de ce défi – livrer 13x3 min en 5 mois – se tourner les pouces ? tout le monde a bossé à mort et moi qui ai produit tout ça, ne me suis payée que 4 mois sur un an et quelque de travail acharné…
Pour les droits d’auteur, c’est la sacd qui a décidé, pas nous :
Pour l'oeuvre originale :
dialogues : 13, 5 %
oeuvre préexistante : 30 %
Pour les réals :
graphisme : 7 %
scénario : 13, 5 %
droits d'auteur Réal : 36 %
plus la part de droits de diff des réals, calculée sur une autre assiette.
Voilà, j'espère que ça répond un peu à vos interrogations... Après, je ne dis nulle part qu'on a tout fait parfaitement, comme le soulignait l'un d'entre vous, je reconnais qu'on n'a pas tout envisagé, ce truc est un ovni, pas facile à produire et à livrer et pourtant on va le faire, on l'a fait... Et on ne vivra pas tout à fait la saison 2 dans la même urgence, j'espère.