par parigotdelanderneau » Mar Oct 30, 2007 9:02 pm
En farfouillant dans la mémoire de mon ordinateur, j'ai retrouvé ce petit texte qui s'efforce de brosser un tableau historique...
Il est probable que le « désir d’animer » existait déjà chez l’homme depuis 12 000 ans avant notre ère. Sur les parois des grottes d’Altamira en Espagne, on peut trouver les peintures d’aurochs qui possèdent de multiples pattes. Chacune représente une phase du mouvement de la course. Les amphores grecques témoignent également de la tentative d’artistes antiques pour représenter la dynamique du mouvement avec des images fixes successives… Cela n’a sans doute pas de rapport direct avec l’invention du cinéma, mais cette idée d’exprimer un mouvement au moyen d’une succession d’images instantanées préexiste à l’apparition du cinématographe.
Par rapport à la notion de projection, Dominique Auzel associe son origine à l’allégorie de la caverne de Platon dans La République (livre VII) en expliquant « le désir de fixer les apparences du réel et de créer l’illusion de la vie ». Selon Platon, les gens emprisonnés dans la caverne ne peuvent voir que les silhouettes de l’Idée comme les spectateurs actuels dans une salle de cinéma. Ni le soleil, ni l’extérieur de la caverne ne sont jamais montrés à leurs yeux. Cette vision de Platon sera réalisée vingt-quatre siècles plus tard.
L’invention du cinéma d’animation : 28 octobre 1892
Le « Théâtre Optique » d’Emile Reynaud:
Le 28 octobre 1892, une véritable animation faite d’une succession d’images fixes dessinées est projetée pour la première fois devant le public au Musée Grévin par Emile Reynaud. Ce nouveau spectacle s’appelle « Théâtre optique » et a quatre ans d’avance sur la première et célèbre projection des frères Lumière.
Avant le « Théâtre Optique » d’Emile Reynaud, il y avait déjà eu bon nombre de recherches pour obtenir de l’image en mouvement en utilisant le phénomène de « la persistance rétinienne ». Depuis Aristote et Ptolémée, ce problème de notre rétine est porté à la connaissance de physiciens et expliqué plus concrètement grâce à Newton vers 1676 : il utilise un disque dont les parties ont été colorées diversement, afin d’attester que notre oeil garde la persistance des images une fraction de seconde sur la rétine avant de remplacer l’image suivante. Quand le disque tourne suffisamment rapidement sur son axe, il démontre ainsi que l’on ne peut plus voir chacune de ses couleurs séparément, mais leur synthèse.
C’est durant le XIXème siècle que beaucoup de recherches sur l’image animée et d’inventions coexistèrent, préparant l’apparition du cinéma. Parmi elles, il y a quelques résultats remarquables : le « thaumatrope » de John A. Paris(1826), le « phénakistiscope » de Joseph Plateau(1832), le « zootrope » de William Georges Horner(1835), le « praxinoscope » d’Emile Reynaud(1877)…
En 1829, un professeur belge, Joseph Plateau décrit le « thaumatrope » dans sa thèse, Dissertation sur quelques propriétés des impressions produites par la lumière sur l’organe de la vue. Il explique en effet : le thaumatrope « consiste à dessiner deux objets différents des deux côtés d’un cercle de carton, de telle manière que, si l’on fait tourner rapidement ce cercle autour d’un diamètre pris comme axe de la rotation, le mélange des impressions laissées par les deux dessins sur notre oeil en recompose un troisième ».
Avec le « phénakistiscope », on peut voir le tout premier dessin animé, lequel est cyclique et se répète indéfiniment à chaque tour du disque.
Puis, le « zootrope » permet à plusieurs personnes ensemble de participer à la synthèse d’un geste dessiné phase par phase sur une longue bande de papier. Du fait que la bande du zootrope est une succession linéaire d’images décomposant un mouvement, elle préfigure le film cinématographique malgré l’inévitable répétition cyclique de la séquence animée.
En 1877, Emile Reynaud invente le « praxinoscope » qui restitue le mouvement dessiné avec une qualité supérieure à tout ce qu’on a pu voir à son époque. Pour éviter de donner à voir une douzaine de dessins s’animer d’un même mouvement, il imagine une couronne de miroirs qui isole une seule figure pour l’observateur. De plus, grâce à la suppression du passage au noir inévitable entre deux fentes du « phénakistiscope » ou du « zootrope », l’image perçue du « praxinoscope » est très lumineuse. Cependant, cet appareil restreint encore l’animation à un cycle répétitif.
Enfin, au terme de ses recherches, Emile Reynaud trouve un système qui peut augmenter indéfiniment le nombre d’images et dépose en 1888 le brevet de son « Théâtre optique ». L’utilisation d’une bande souple perforée s’enroulant sur des bobines fait sortir l’animation du cycle limité des premiers appareils. L’entraînement simultané du film et de la couronne de miroirs est assuré à l’aide des « goupilles » venant s’enfoncer dans les perforations de la bande. Les images sont projetées tour à tour sur un écran translucide derrière lequel s’installe le public en 1892 au Musée Grévin à Paris. Par Emile Reynaud, l’animation est, enfin, née en tant que spectacle sur l’écran.
Deux ans plus tard aux Etats-Unis, Thomas Edison invente la première caméra. Son « kinétoscope » possède un système similaire à celui qui est encore utilisé aujourd’hui, car il entraîne la pellicule. Toutefois, il ne cherche pas à résoudre le problème du projecteur, faute de certitude sur l’avenir commercial de son appareil.
Dès 1894, Louis et Auguste Lumière reconsidèrent intégralement le problème de l’appareil d’Edison et fabriquent une caméra qui combine les fonctions d’enregistrement, de développement, et de projection. C’est le cinématographe. A Paris le 28 décembre 1895, les premières représentations officielles et payantes commencent dans le salon indien du Grand Café. Ainsi, le cinéma naît le cinématographe…
Il s’ensuit qu’Emile Reynaud est vite oublié par le public, même si l’on estime qu’un demi-million de personnes ont assisté à un spectacle du Théâtre optique jusqu’à sa fermeture en 1900. Le dessin qui bouge ne pouvait lutter contre l’impact de l’image photographique animée. Cependant que les artistes de l’animation dessinée donnaient des idées aux producteurs de films, notamment pour les truquages, le cinéma d’animation a dû accepter sa position devenue mineure devant le cinémade prise de vues réelles…
En revanche, l’invention du cinématographe offrira un moyen incomparable pour donner vie à l’inanimé aux manifiques rêveurs de cette époque-là : Alfred Clark, Arthur Melbourne, George Méliès, James Stuart Blackton, Emile Cohl etc.
Après l’apparition du cinéma, il a fallu quelque temps pour que l’animation soit réinventée avec la prise de vues image par image, bien contrôlée, et son propre scénario, car les appareils de l’époque étaient incapables de prendre un seul photogramme avant l’utilisation de manivelle pour la prise de vue image par image, et parce que la technique d’animation était considérée seulement comme un truquage d’opérateurs sans possibilité dramatique.
Quelques repères historiques : En août 1895 l’Américain Alfred Clark découvre que l’on peut arrêter et faire repartir la manivelle de la caméra en réalisant la mort d’une actrice avec un mannequin sans tête. Puis c’est George Méliès qui donne fait bouger les lettres de l’alphabet. Pour la première fois le mouvement aux objets, dans les films publicitaires de 1898. L’Anglais James Stuart Blackton commence à modifier un dessin pendant l’arrêt de la manivelle et en 1899, la technique de l’animation est utilisée comme base de création dans le film publicitaire « Matches Appeal » par l’Anglais Arthur Melbourne Cooper.
En 1908, Emile Cohl réalise le premier film d’animation français, « Fantasmagorie », d’une durée de 4 minutes. Il était caricaturiste de presse, vaudevilliste, photographe, parolier et philatéliste et commença à travailler avec la Gaumont comme réalisateur d’animation à partir de 1907. On lui demande de produire des films comme celui de George Méliès. Mais ayant vu le film de Blacton, « The haunted Hotel », il s’étonne de ce que, dans le film, les objets peuvent bouger tout seuls, puis cherche à en comprendre la technique. Quelques mois après cette réflexion, il réalise son premier film d’animation avec un style graphique très personnel.
En 1923, la filmographie de Cohl comprenait plus de 300 courts métrages! Donald Crafton juge dans son ouvrage Before Mickey qu’il est le premier vrai créateur d’animation : « Emile Cohl fut le premier à apporter au cinéma les nécessaires qualités d’intelligence, d’imagination, de patience et l’amour obsessionnel du dessin qui marque tous les autres grands animateurs...».
Bendazzi écrit : « Après Blackton, il n’y avait qu’un pas à faire pour arriver au cinéma d’animation, au sens complet du terme. C’est ce que fit Emile Cohl ».
En guise de conclusion!
« Univers merveilleux de la création, l’animation est synonyme de liberté pour l’imagination. De L’Idée de Berthold Bartosh aux gravures magiquement vivantes de l’écran d’épingles d’Alexandre Alexeieff, des ombres de Lotte Reiniger aux miraculeuses évolutions du Pas de Piotr Kamler, cet art fait scintiller, se mouvoir, vivre, aériennes, poétiques, anecdotiques ou didactiques des oeuvres qu’on ne pouvait même pas rêver avant la découverte de l’image par image. »
parigotdelanderneau